Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Gothic SENEBRUS
26 octobre 2008

Autodafé RTB-éen

La RTBF a (ou va)-t-elle brûler une partie de ses archives? Tout porte à la croire. A une époque où il suffit de 48 heures à l'état pour trouver des millions pour sauver nos banques, on ne trouve pas d'argent pour sauver notre mémoire collective!

0022
Tout ça ne nous rendra pas la Belgique / Philippe Dutilleul © RTBF

Pour un droit de regard des auteurs sur les archives de la RTBF

Mercredi 9 juillet 2008 - LE SOIR - Carte blanche

Elisabeth Burdot, Christian Bussy, Paul Danblon, André Dartevelle, Philippe Dasnoy, Josy Dubié, Frédéric François, Jean-Jacques Jespers, Jacques Laurent, Jean-Jacques Péché, Denise Vindevogel, Françoise Wolff

Anciens journalistes-réalisateurs-producteurs de la RTBF

 

Nous sommes un groupe d’« auteurs », d’anciens journalistes-réalisateurs-producteurs de la RTBF : nous avons appris que les archives de la RTBF accumulées depuis 78 ans pour la radio, 55 ans pour la TV, vont être transférées en Wallonie, numérisées par une société anonyme, dont la Région wallonne, la RTBF et la Communauté française seront actionnaires, puis commercialisées : la RTBF conservera un droit d’usage sur ses sites et ses antennes.

Si nous nous félicitons qu’une solution globale soit apportée à la sauvegarde de ce patrimoine commun, en train de se dégrader, ce projet contient des aspects qui nous interpellent.

Tout d’abord, le manque d’information des premiers intéressés. Alors que ces archives sont un trésor universel, l’histoire en images et sons de notre société et du monde vus par nous, qu’il appartient à la collectivité qui l’a financé, la négociation pour aboutir à cet accord a été menée en toute discrétion entre la RTBF et la Région wallonne. Les partenaires viennent de finaliser leur accord en quelques jours. La Communauté française de Belgique, qui est l’autorité publique dont dépend la RTBF légalement et financièrement, n’a été admise qu’en dernière minute. Et nous qui avons conçu les programmes tout au long de ces décennies, n’avons jamais été consultés ni de près, ni de loin et rien n’indique que la chose est simplement envisagée.

D’autres points noirs nous renforcent dans la certitude que ce partenariat doit être élargi à d’autres points de vue, bref, qu’il faudrait négocier avec tous ceux que cette opération concerne de près.

Entre 50 et 70 % des archives seraient conservées et numérisées. Mais qui procédera à ces choix ? Se feront-ils en dehors de ceux qui les connaissent le mieux ? 50 %, cela veut dire qu’on met sur le côté un film sur deux, une bande magnétique sur deux. C’est peu acceptable même si le coût de la numérisation, le fait de copier sur bandes numériques les programmes existants sur les vieux supports, film-pellicule, disque vinyle, bande magnétique, bande vidéo ancienne, est important… Ce n’est pas une raison suffisante : il vaudrait mieux évaluer d’abord la valeur culturelle des archives.

De plus, pour la TV, le maître critère serait la possibilité de réutilisation des archives dans des sites web construits autour de grands anniversaires ou de thématiques grand public (mai 68, les guerres mondiales, l’Expo 58…) Sans rejeter l’intérêt de ce type d’usage, il nous semble réducteur d’en faire la référence principale. D’autres critères devraient entrer en jeu, l’intérêt historique, culturel, social, esthétique. De quoi s’agit-il finalement ? Parlons-nous vraiment d’archives, donc de documents d’une grande portée pour l’histoire de notre pays et des médias de masse du XXe siècle ou d’images indifférenciées destinées à alimenter des sites et des ventes ? Si ces archives couvrent tous les domaines d’activité d’une société, travail, loisirs, variétés, sports, culture, politique, arts… elles contiennent aussi des chefs-d’œuvre audiovisuels ou radio sous forme de reportages ou de documentaires sur le vécu des gens, les convulsions du monde, les artistes et les formes d’art contemporaine, les spectacles, les luttes sociales, etc. De tels documents méritent un sauvetage intégral et même des éditions en DVD.

Nous proposons aux autorités impliquées dans la négociation, d’intégrer dans le mécanisme de tri et de choix des archives, les auteurs, et d’abord ceux de la RTBF, qui connaissent intimement les programmes et les services producteurs, qu’ils ont servis pendant leur carrière. Leur regard permettra d’éviter des erreurs et des pertes irrémédiables. Ils pourront le mieux accompagner la restauration de leurs films ou de ceux de leur ancien service.

Nous suggérons qu’une structure accueillant des auteurs – comité, commission, peu importe – soit prévue par les statuts de la future société et instaurée avec voix délibérative. Elle pourrait statuer sur les choix avant la numérisation et veiller aussi au respect des droits des auteurs, patrimoniaux (c’est-à-dire financiers) et moraux. Comme les auteurs confient souvent la gestion de ces droits à des sociétés d’auteurs, les représentants de la Scam-SACD devraient siéger dans cette structure, de même que ceux de la Communauté française. Devraient y figurer aussi des experts belges et étrangers.

Car, c’est un secret de polichinelle, la question des droits sur ces milliers d’heures de programmes n’est à ce stade nullement réglée.

Il ne nous appartient pas de donner le détail, mais la présence des auteurs et de leur société d’auteurs apporterait une légitimité à toute cette opération, en lui ôtant ce qui pourrait l’identifier à une simple mise sur le marché des bonnes archives… Il est d’autant plus important de s’appuyer sur eux que les historiens formés à l’étude de ce type d’archives sont plutôt rares, pour le moment.

C’est d’ailleurs ce que l’INA, Institut national de l’audiovisuel (France) a fait, confrontée à la même situation, à savoir créer un immense fonds d’archives de radio et de télévision.

Toute cette affaire nous concerne puisque comme tous ceux qui ont collaboré avec la RTBF, nous y avons laissé en dépôt des œuvres et des programmes dans lesquels nous nous sommes profondément engagés, les uns divertissants, d’autres de sang et de larmes. Nous nous félicitons que notre activité soit reconnue et valorisée par toute une gamme d’utilisations nouvelles de nos films et vidéos, il est préférable qu’ils tournent et soient diffusés plutôt que de stagner dans des caves. Mais pas comme archive anonyme : nous voulons que notre signature soit respectée en cas de vente ou de rediffusion, la nôtre ainsi que celles de nos collaborateurs. D’importantes questions éthiques et de droit à l’image vont se poser.

Que nous soyons informés du suivi de l’exploitation de ces œuvres et que la RTBF nous garantisse un accès privilégié à ces dernières sous forme de copies DVD, etc. Tout ceci relève du droit moral des auteurs et nous demandons que son respect soit consigné dans les statuts de la société qui sera constituée à l’automne, ainsi que le respect des autres droits qui feront l’objet de négociations plus complexes. Nous souhaitons que le dynamisme ne fasse pas l’économie de la réflexion ; que l’ampleur de la tâche ne fasse pas négliger son sens profond.

Cet archivage partiel est peut-être une manière pour la RTBF de se dire que cette fiction n'a peut-être pas réellement existé.

02 04

05 07
Tout ça ne nous rendra pas la Belgique / Philippe Dutilleul © RTBF

rtbf_liege_ch_3

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Publicité