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Gothic SENEBRUS
23 mai 2008

Autodafé 1

Chronique de Paul Hermant du 20 mai

On évoquait hier toutes ces choses qui brûlent et il en est d'autres encore et ce sont parfois des livres. On en a déjà parlé ici de comment et pourquoi l'on brûle des romans, des encyclopédies ou des abécédaires et précisément, j'étais samedi dans la jolie commune de Havelange pour la réouverture de cette bibliothèque municipale incendiée un soir de Noël 2007, je l'avais évoqué ici même et il n'est pas inutile, croyez-moi, de se déplacer de temps en temps pour voir vraiment de quoi on parle.

Et donc, alors que le fonds de livres carbonisés a été remplacé, que d'autres, par centaines, ont été gommés pour effacer les traces de suie… Et donc, alors que cette bibliothèque nichée dans une magnifique ferme en carré comme ils en font en Condroz ressemble désormais à un havre où l'on aimerait aller réfugier son imaginaire et abreuver son savoir… Et donc, alors que nous nous dirigions guilleret vers cette bonne nouvelle : une bibliothèque qui rouvrait, voilà que l'on apprit que quelques jours plus tôt, ce qu'on appelle un espace citoyen, vous savez bien ces ordinateurs mis à disposition du public, ces cyber cafés collectifs, ces connections à Internet gratuites, cet endroit censé donc réduire la fracture numérique, eh bien voilà que l'on apprit donc que cela aussi avait été attaqué, saccagé, mis à sac.

L'on fit quelques pas dans cette salle. L'on regarda de loin ces machines éventrées. Vous n'avez pas idée de ce que peut faire un coup de marteau sur un écran - et certainement pas sur quatorze. Ce n'est pas seulement une brisure, une fissure, c'est plus profond que cela, car lorsque l'écran s'effondre sur lui-même, implose et offre au regard sa béance, on a l'impression d'une ruine ancienne, on dirait le théâtre d'un sacrifice, on penserait un autel rituel, on dirait qu'il s'est passé là quelque chose de l'ordre d'une immolation. On regarde et on voit des restes.

On avait eu la même impression en pénétrant voilà quelques années dans la bibliothèque de Sarajevo que des obus tirés des collines avaient voulu supplicier. On marchait sur des feuilles éparses. Y poser le pied était déjà un sacrilège. Il y avait par terre la légende des siècles. « Chaque livre détruit est un passeport pour l'enfer » a dit plus tard une poétesse bosniaque. Une haine anti-culturelle s'était déclenchée là. Le savoir et la mémoire étaient l'ennemi. On disait à l'époque que c'était les gens des campagnes qui venaient ainsi laver leur détestation de la ville.

Mais là, voyez-vous, Havelange n'est pas seulement condrusienne, elle est aussi campagnarde. On dirait qu'il y a des gens qui ne supportent pas non plus que la culture côtoie l'agriculture. Mais, me direz-vous, il n'y a presque plus d'agriculture dans la ruralité. J'y pensais en suivant le tracteur qui roulait à du 20 à l'heure sur la route qui me ramenait chez moi. Lui aussi, on aurait dit une relique. Allez, belle journée et puis aussi bonne chance.

    Cette chronique m'a fait penser aux actes fascistes qui se déroulèrent à Berlin lors du grand autodafé du 10 mai 1933 dont ce lien vers un film d'époque se passe de commentaires : Film d'époque

    Depuis 1995, une plaque commémorative se trouve en lieu et place du bûcher. On peut y lire ceci : "In des Mitte dieses Plazes verbrannten am 10 mai 1933 Nationalsozialistische studenten die Werke hunderter freier Schriftsteller, Publizisten, Philosophen und Wissenschaftler".

    La citation d'Henrich Heine qui se trouve en haut de la plaque date de 1920... : "Das war ein Vorspiel wo Mann Bücher verbrennt, verbrennt Mann am ende auch Menshen"

autodafe

© Veran.net

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